Photographie : développement d'une pellicule noir et blanc
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Pourquoi développer des films argentique en noir et blanc ? Les raisons sont multiples :
- Prix raisonnable. Si on enlève les "consommables" (produits chimiques) alors l'investissement de départ est minime (comptez 30 à 50 euros pour démarrer, hors coût des produits). Il existe du matériel dédié (bouteilles, éprouvettes, pinces...) plus ou moins sophistiqué. Mais dans un premier temps, le système D peut convenir.
- Le matériel prend très peu de place à la maison. Pas besoin d'une pièce dédiée.
- Assez rapide et facile à faire (si si si, véridique !).
- Last but not least : le suspens et la satisfaction d'avoir un résultat étant le fruit de son propre travail !
Petit rappel : pour obtenir une version "papier" des photos argentiques, deux grandes étapes sont nécessaires :
1) Le développement des négatifs, qui consiste à faire apparaître l'image sur la pellicule.
2) Le tirage papier, qui consiste à "transférer" l'image de la pellicule sur le papier.
Cet article ne parlera donc que de la première étape, dans le cas des films noir et blanc, les films couleurs étant plus complexes. Ces quelques lignes n'ont pas pour but d'être détaillées ni exhaustives ; certains points mériteraient d'être précisés.
J'espère simplement arriver à présenter l'idée générale d'un développement et qui sait, vous donner envie de vous lancer aussi dans l'aventure !
Liste du matériel
- 1 cuve de développement + spire (en général les 2 sont vendues ensemble)
- De quoi mesurer des volumes (verre gradué ou éprouvette)
- Quelques bouteilles en plastique (opaques plutôt) pour stocker les produits.
- Un entonnoir (facultatif mais c’est plus pratique)
- Des gants latex ou nitrile (facultatif... mais conseillé pour les produits aussi bien que pour ne pas laisser des traces de doigts sur la pellicule)
- Un chronomètre (la fonction chrono du téléphone portable marche très bien...)
- Deux pinces à linge
- Un décapsuleur (pour le 24*36, pas pour le moyen format)
- Un thermomètre
Liste des produits chimiques
- Révélateur pour pellicule (attention lors de l’achat, ce n’est pas forcément le même que pour un papier)
- Bain d’arrêt (facultatif, on peut le remplacer par un peu de vinaigre)
- Fixateur
- Agent mouillant (facultatif, on peut le remplacer par quelques gouttes de produit vaisselle)
Procédure
Avant toute chose il faut préparer les produits. Les produits sont vendus en solution concentrée, qu’il va falloir diluer. Il faut bien contrôler leur température (en général on développe à 20°, ce qui est assez différent de 16° ou 24° !) et surtout il faut qu’ils soient tous à la même température. Mieux vaut donc préparer les produits quelques heures à l’avance. On peut également mettre les flacons au bain marie pour les réchauffer ou faire diminuer la température. Toujours utiliser les mêmes bidons respectivement pour chaque produit, pour éviter les mélanges (même en cas de rinçage).
Le révélateur est souvent dilué à 1+1 c'est-à-dire qu’on met autant de produit pur que d’eau. Le volume à préparer dépend de la capacité de la cuve de développement utilisée. C’est souvent aux alentours de 500 mL. Donc par exemple pour une dilution 1+1 on prend 250 mL de révélateur pur, on le met dans une bouteille vide, on ajoute 250 mL d’eau, et on attend que la température se stabilise (c’est pour cela qu’il faut s’y prendre à l’avance, à part si vous avez de l’eau thermostatée qui sort du robinet !).
Attention, certains produits tels que le D76 de Kodak sont vendus en poudre. Dans ce cas là il faut procéder en 2 temps : d’abord dissoudre la poudre dans de l’eau (en général 1 litre d’eau), c’est ce qu’on appelle la solution "stock". Puis prélever une partie de cette solution stock pour la diluer comme expliqué au-dessus. On peut conserver la solution stock plusieurs mois à l’abri de la lumière, dans un flacon bien fermé.
Les autres produits sont en général plus dilués. Par exemple pour le fixateur c’est typiquement 1+4, c'est-à-dire qu’on met 1/5 de fixateur et 4/5 d’eau (1+4=5 !!). Les dilutions sont indiquées sur les bouteilles et on trouve facilement des informations complémentaires sur Internet.
En général les produits dilués ne sont pas réutilisés (notamment le révélateur) à l’exception du fixateur qui peut servir plusieurs fois. On les jette à l’évier, ou mieux pour la planète, on les récupère séparément dans des bouteilles, que l’on emmène de temps en temps dans une déchetterie. Ne pas mélanger les produits car ils se recyclent de manière différente, mais au contraire les mettre dans des bouteilles séparées. Les deux produits les plus toxiques sont le révélateur et le fixateur. Le bain d'arrêt est très dilué et est constitué d'acide acétique ou un autre acide de la même famille, donc on peut le jeter à l'évier si on en utilise pas des quantités astronomiques...
Une fois les produits préparés... voici la procédure.
- 1) Retirez la pellicule de l’appareil
- 2) Dans le noir TOTAL et avec les mains bien sèches, enroulez la pellicule autour de la spire. Pour le 24*36, vous aurez besoin d'un décapsuleur pour libérer le film de la cartouche, ainsi que d'une paire de ciseaux.
Pour enrouler le film, attrapez la spire de la cuve, en posant l'index et le majeur sur les points d'entré. Avec l'autre main, présentez l'extrémité de la pellicule et poussez-la dans les points d'entrée de la spire. Vous pouvez éventuellement couper en biseau les coins de la pellicule pour faciliter son insersion.
Par un mouvement alternatif des deux plateaux, engagez toute la pellicule. Ne surtout pas forcer. Au moindre blocage, ouvrez la spire et recommencez. La mise en place du film dans la spire est l'étape la plus difficile. Le mieux est vraiment de s’entraîner auparavant plusieurs fois sur une pellicule brouillon (tant pis pour le gachi) à la lumière, puis dans le noir, jusqu'à ce que vous soyez parfaitement à l'aise avec la manipulation. - 3) Toujours dans le noir, insérez la spire avec la pellicule dans la cuve autour de son axe, clipsez l'agrafe et refermez la cuve à fond.
- 4) A la lumière, procédez au développement : il y a 4 étapes successives.
- 4.a) Prémouillez le film pendant quelques minutes avec de l'eau à 20°. Agitez de manière intermittente. Cette étape est facultative, mais permet notamment de dissoudre la couche anti-halo présente en surface des films 120.
- 4.b) Insérez le révélateur dilué dans la cuve. Déclenchez le chrono. Le temps de développement dépend de plusieurs paramètres : pellicule employée, révélateur, température, dilution... On trouve facilement les temps sur les documents relatifs à la pellicule et au révélateur, ils sont soit fourni avec, soit sinon on le trouve sur les sites du fabriquant sur Internet.
Agiter régulièrement (mais pas comme un bourrin^^) en retournant la cuve (typiquement 3-4 fois au début de chaque minute). Là encore le nombre de retournements dépend du couple pellicule/révélateur et du rendu désiré. A la fin de l’agitation, tapoter un peu le fond de la cuve pour faire remonter d’éventuelles bulles qui se seraient formées sur le film. L'étape de révélation est celle qui conditionnera le rendu du film, en fonction de la durée, de la température et de l'agitation. C'est LA phase où il faut être méticuleux, pour obtenir de beaux résultats reproductibles. - 4.c) Une fois le temps écoulé, videz le révélateur, et insérez le bain d’arrêt dilué. Re-déclencher le chrono. En général on laisse le bain d’arrêt 30 secondes ou 1 minute, on peut retourner 1 ou 2 fois.
- 4.d) Videz le bain d’arrêt et insérez le fixateur dilué. En général au bout de 5 minutes, on peut ouvrir la cuve et regarder le résultat. Si la pellicule est encore trop violette, on la remet dans le fixateur quelques minutes.
- 4.e) Videz le fixateur et insérez de l’eau pour rincer. Retournez 5 ou 10 fois, videz l’eau, puis re-insérez à nouveau de l’eau propre. Retournez à nouveau, videz etc. On peut répéter le rinçage 4 ou 5 fois. Lors du dernier rinçage, ajoutez à l’eau quelques gouttes de produit vaisselle (un tout petit peu !!!) ou d’agent mouillant. Cela permet d’aider à bien sécher la pellicule sans trace d’eau. Le dernier rinçage peut aussi se faire à l’eau déminéralisée pour éviter les traces de calcaire.
- 5) Sortez la pellicule de la spire. Déroulez-la et éventuellement essorez-la en la faisant glisser entre deux doigts. Attention, à la moindre sensation de grain de poussière ou autre, ne pas continuer à essorer sous peine de rayer la pellicule.
- 6) Suspendez la pellicule à la verticale par une pince à linge par exemple (dans un endroit où le chat ne pourra pas l’atteindre^^). Mettre aussi une pince à linge ou une pince plombée en bas, pour bien tendre la pellicule. Attendre le séchage.
- 7) Montrez le résultat aux copains ! On peut scanner les négatifs (avec un scanner photo qui possède des "passes-vues" c'est mieux pour éviter les "anneaux de Newton") ou photographier le négatif etc...
Le résultat en terme de contraste et grain dépend beaucoup de la pellicule, du révélateur utilisé, du temps de développement (parfois à 15 secondes près pour ceux qui ont l’expérience !), de la température, de l’agitation. Dans un premier temps, suivez les indications qui sont indiquées dans les notices, de manière à avoir déjà une exposition correcte. Pour le reste, ça viendra avec l’expérience !
Pour économiser les produits, notamment le révélateur, certaines personnes font des dilutions plus importantes et pour compenser laissent le produit plus longtemps dans la cuve. Ou alors récupèrent une partie du révélateur dilué au lieu de le jeter après développement (par exemple la moitié) et complètent l'autre moitié par du neuf. Autant d'astuces à tester soi-même selon sa pratique et ses envies.
Pour finir, un peu de documentation complémentaire :
- Article du site 35-mm compact qui reprend en détail les points évoqués ici. Le site comporte également une boutique et un forum très riche pour trouver plein d'infos sur le matos, les techniques, les conseils sur les développements de tel ou tel modèle de pellicule, tel marque de révélateur, donc usez et abusez-en ! La communauté argentique est bien présente sur Internet, votre moteur de recherche préféré sera là pour vous aider à trouver plein de sites et d'astuces.
- Massive Dev Chart , LA base de données mondiale pour les couples film/révélateur, les dilutions, les températures, les durées à appliquer.
- Philippe Bachelier, Noir et Blanc, de la prise de vue au tirage, Editions VM. Ce livre constitue la bible du noir et blanc, que tout bon argentiste se doit d'avoir !
Nouveau : pour pousser encore plus le côté "fait maison", j'ai expérimenté le révélateur fait maison au café. Affaire à suivre !